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La Migration Climatique: Les déplacements dus à la crise climatique touchent d’abord les femmes

Par Jéssica Vandal, Chercheuse EmpoderaClima

Le changement climatique est l’un des défis les plus urgents auquel l’on fait face. En outre, il s'agit d'un fait très injuste, où ceux qui contribuent le moins au problème sont ceux qui en souffrent le plus. Les groupes vulnérables, tels que les populations autochtones, les personnes âgées, les personnes vivant dans la pauvreté, les personnes ayant une identité sexuelle et de genre différente et les personnes handicapées, sont les plus touchés par le changement climatique.

Les femmes et les filles font partie de ces groupes vulnérables, et elles ont souffert la discrimination tout au long de l’histoire de l’humanité. De plus, nous savons que les femmes et les filles allant jusqu’à 30 ans sont touchées de façon disproportionnée par la pauvreté, selon un rapport de la Banque Mondiale.

Un domaine spécifique où les femmes ont été profondément touchées est celui des migrations liées au climat - un scénario qui devient de plus en plus courant à mesure que les effets du changement climatique continuent de s'intensifier. Un rapport réalisé par ECODES en 2019 sur la perspective de genre dans les migrations liées au climat décrit ce nouveau défi pour les femmes dans les régions où les effets extrêmes du changement climatique se font déjà sentir.

L'influence du changement climatique sur la mobilité humaine s'est accrue ces dernières années, et avec les scénarios actuels de conflit, de violence extrême et de grave instabilité économique et politique, les grands mouvements migratoires sont en augmentation.

Certains termes, tels que réfugié environnemental ou migrant environnemental, dit aussi écoréfugiés, sont utilisés pour décrire les personnes qui sont forcées de quitter leur foyer en raison du manque de ressources, ou les personnes qui se déplacent "volontairement" à la recherche de meilleures conditions de vie à la lumière de la crise climatique - on considère qu'il s'agit d'une migration volontaire, même si le fait de migrer en réponse à des impacts environnementaux a au moins un certain niveau de pression dans la décision.

Comme le présente le rapport sur l'état de la migration dans le monde en 2020, des millions de personnes dans le monde se déplacent en prévision ou en adaptation aux impacts environnementaux et climatiques. Des événements extrêmes tels que les cyclones, les inondations ou les incendies détruisent les habitations et contribuent au déplacement des populations.

En outre, des catastrophes à évolution lente tels que l'élévation du niveau de la mer, la sécheresse ou les pluies extrêmes exercent une pression croissante sur les moyens de subsistance et compromettent l'accès à la nourriture et à l'eau, ce qui conduit souvent à la décision de partir à la recherche de meilleures conditions de vie.

Comme mentionné auparavant, les personnes vivant dans des conditions plus vulnérables, que ce soit par des raisons économiques, politiques ou sociales, sont les plus susceptibles d’être touchées par les impacts climatiques dus aux catastrophes à évolution lente. De plus, ces personnes ont moins d’accès à l’information et, par conséquent, elles ne sont pas en mesure de se préparer pour migrer – soit elles ne peuvent pas le faire, soit elles le font dans de très mauvaises conditions.

ECODES souligne dans son étude que la façon dont les personnes font face aux migrations climatiques dépendent du genre. Même la décision de migrer ou non en raison de conditions environnementales ou climatiques défavorables dépend de la personne qui prend la décision à la maison, homme ou femme - et nous savons tous comment fonctionnent les ménages patriarcaux dans de nombreux pays.

Lorsqu’ils sont touchés par les catastrophes climatiques soudaines, les gens ont souvent besoin de se réfugier dans des placements temporaires. Comme ces lieux ont été pensés pour fournir une assistance rapide à ceux qui en ont besoin, ils ne sont pas conçus pour prendre en compte les besoins spécifiques des femmes : droit à l'intimité, salles de bain et produits d'hygiène accessibles, conditions particulières pour les femmes enceintes ou allaitantes... En outre, lorsqu'elles vivent dans ces placements, les femmes et les jeunes filles sont confrontées à un grand risque de violence sexuelle et sont plus susceptibles d’avoir des problèmes psychologiques liées au stress.

Malgré la raison de la migration, le problème est que les femmes et les filles en déplacement sont plus susceptibles de subir des violences sexuelles et de genre. Elles sont plus susceptibles, par exemple, d'être victimes du trafic d’êtres humains ou de l'exploitation sexuelle, de mariages forcés d'enfants, de discrimination raciale, de xénophobie, de violence intrafamiliale, d'un accès réduit aux systèmes d'éducation et de santé publique, de mauvaises conditions de travail et d'autres formes de discrimination et de violence liées au sexe.

Même lorsqu'elles restent chez elles, les femmes sont touchées par la migration de leur couple. Dans les communautés locales de différentes régions du monde, les hommes migrent souvent vers les zones urbaines à la recherche de travail en raison des effets du changement climatique, tandis que les femmes restent à la maison, surchargées par les responsabilités liées à la tenue de la maison, de la famille et du travail agricole.

Certains impacts du changement climatique sur les femmes et les filles sont facilement quantifiables - comme la distance que les femmes doivent parcourir pour aller chercher de l'eau ou le nombre de décès lors d'une inondation - mais d'autres impacts, notamment ceux liés aux migrations climatiques, dont ceux qui sont abordés dans cet article, ne sont pas aussi visibles ou faciles à identifier. Ce que nous savons est que le changement climatique a une grande influence sur les différentes discriminations auxquelles les femmes et les filles sont déjà confrontées, mais qu'il est beaucoup plus grave dans un contexte migratoire.

Les inégalités systématiques entre les sexes placent généralement les femmes dans une position secondaire lorsqu'il s'agit de prendre des décisions ou de recevoir des prestations, mais ces inégalités s'aggravent encore lorsque les principales pressions et conséquences du changement climatique sont ajoutées à l'équation.

Il est vraiment important d’exposer et de parler de la perspective de genre, non seulement dans les scénarios de migration climatique, mais aussi dans ceux de changement climatique en général.  Donner du pouvoir aux femmes et promouvoir leur participation dans des environnements de leadership sont nécessaires pour obtenir des changements plus efficaces et significatifs afin d'atteindre les objectifs de développement durable.